Etienne, Ariane

Description
Identification
Type d’entité:Personne
Forme(s) autorisée(s) du nom:Etienne, Ariane
Formes parallèles du nom:Ariane Etienne
Description
Dates d’existence:1935-2010
Histoire:Ariane Etienne est née le 18 avril 1935 à Berne, elle est originaire de Tramelan, dans le Jura bernois. Elle fait son gymnase à Berne, et passe sa maturité classique latin-grec à Lausanne.
En 1955-56, Ariane Etienne fait des études de psychologie et de philosophie à l'Université de Munich, et en 1956-59, elle poursuit ses études à l'institut des Sciences de l'Education à Genève ; elle obtient une licence en sciences de l'éducation, mention psychologie.
Dès 1958, elle est assistante de Jean Piaget, le célèbre psychologue du développement, auteur d'innombrables études sur l'ontogenèse des connaissances chez l'enfant, et de Bärbel Inhelder, la collaboratrice principale de Piaget. Elle participe à des travaux de recherche chez l'enfant, qui seront publiés dans un ouvrage collectif (L'image mentale chez l'enfant) dont les auteurs principaux sont, justement, Piaget et Inhelder.
Au cours des mêmes années, elle collabore pour des recherches ou des travaux pratiques avec des grands noms de l'époque, notamment Julian de Ajuriaguerra en neuropsychiatrie, et Jean Posternak en physiologie.
Cependant, sa vocation profonde est déjà d'étudier l'animal. Elle prend contact avec l'institut le plus prestigieux d'étude du comportement animal, le Max Planck Institut für Verhaltensphysiologie à Seewiesen (Allemagne), créé en 1954 sous l'impulsion d'Erich von Holst et de Konrad Lorenz ; ce dernier est un des pères fondateurs de l'éthologie (Nobel 1973). Afin d'assurer ses chances, elle choisit, pour se perfectionner, d'aller passer une année (1960-1961) comme assistante en neurophysiologie expérimentale à l'Université de Michigan (USA), à Ann Arbor.
En 1961, elle est acceptée au Max Planck, et elle y travaille d'abord avec Konrad Lorenz lui-même. Alors qu'elle est boursière du Fonds National Suisse, ses premières études portent sur le comportement des Anatidés (l'ordre d'oiseaux qui comprend les canards, les oies, les cygnes): elle étudie l'ontogenèse (le développement) des mouvements instinctifs chez les jeunes oies; puis l'influence des hormones sexuelles chez le canard colvert. Lorenz déjà, dans une lettre adressée en 1961 à Jean Posternak, remarque que le tempérament très actif d'Ariane Etienne ne lui réussit pas bien pour ce qui est de la simple observation du comportement, mais qu'elle est excellente quand il s'agit de tester une hypothèse par l'expérimentation. Ensuite, des déboires expérimentaux la mènent à changer de direction pour son doctorat et à abandonner les canards. Elle travaille un moment avec Erich von Holst (pour lequel elle aura toujours une grande admiration), puis, à la mort de von Holst en 1962, avec le zoologiste Horst Mittelstaedt. Sa recherche de doctorat, commencée en 1963 chez celui-ci, concerne l'étude de la perception visuelle de la proie chez les larves de libellule; pour cette recherche, elle obtient une bourse de la société Max Planck.
En Juin 1964, Jean Piaget est titulaire de la chaire de psychologie expérimentale, qui est rattachée, on l'oublie parfois, à la Faculté des Sciences. Il conçoit le projet de rajouter à son équipe un chargé de recherches en psychologie animale (dans son justificatif, il affirme: "nous éprouvons le besoin d'élargir le champ des comparaisons en étudiant certains mécanismes cognitifs communs à l'animal et à l'homme."). Pour ce poste, il pense à Ariane Etienne, qu'il a connue et appréciée en tant qu'assistante. Le 25 octobre 1965, Ariane Etienne soutient sa thèse à Genève et est engagée. En juin 1966, Jean Piaget argumente auprès du Doyen de sa faculté que, à côté de la recherche en psychologie animale, il manque un enseignement dans cette discipline. "Un cours de psychologie animale, dit-il, serait utile à deux sortes d'étudiants: les psychologues soucieux d'interprétations biologiques, et d'autre part les zoologistes intéressés par le rôle du comportement dans l'évolution." Il propose qu'un poste de chargée de cours soit ouvert, et attribué à Ariane Etienne. Ariane Etienne est effectivement engagée comme chargée de cours en octobre 1966. Elle reçoit le prix Prix David Gourfein Welt en 1967.
Désireuse de travailler désormais sur des organismes plus complexes que les insectes, et s'intéressant à des problématiques plutôt piagétiennes (en particulier la permanence de l'objet) qu'elle a héritées de son passage dans l'équipe Piaget et Inhelder, Ariane postule pour un poste d'assistante de recherche (financée par une bourse du FNS) à Cambridge, université dont l'institut de psychologie animale, dirigé par Robert Hinde, est très réputé. Bärbel Inhelder appuie cette demande. Acceptée à Cambridge, Ariane y étudie, dans l'unité de Pat Bateson, la permanence de l'objet chez les poussins, c'est-à-dire, les mécanismes de représentation qui font que les objets persistent (ou pas) dans la mémoire de l'animal lorsqu'il les perd de vue. Son projet est de rester à Cambridge jusqu'en septembre 1973. Il faut dire aussi que c'est à Cambridge qu'elle rencontre Alexander Paul Kfouri, un physicien spécialiste des matériaux, qui deviendra son compagnon puis, bien plus tard, son mari.
Cependant, ce qui est maintenant l’Ecole de Psychologie et des Sciences de l'Education souhaite qu'Ariane Etienne réintègre sa place à Genève, et lui propose un poste de professeur assistante dès octobre 1972. Ariane accepte, mais elle quitte Cambridge à regret, aussi parce qu'elle pense que les conditions de recherche seront moins favorables pour elle à Genève. En effet, lorsqu'Ariane revient à Genève, elle doit d'abord faire face à des problèmes de locaux. L'Ecole de Psychologie et des Sciences de l'Education (qui va se transformer en Faculté) est toujours installée au Palais Wilson, mais prépare son déménagement à Uni II (Uni Dufour), et le Bureau des Bâtiments ne sait pas quoi faire de la demande qui lui tombe dessus de loger Ariane Etienne et d'installer une animalerie et un atelier. Cette affaire prend une tournure kafkaïenne, et il ne faudra pas moins de quatre ans pour que les locaux d'expérience de l'éthologie, rénovés, équipés, mais toujours au Palais Wilson, soient complètement opérationnels. Curieusement, c'est pendant cette période difficile qu'Ariane, qui expérimente toujours en parallèle sur les larves de libellule, essaie de travailler sur des questions piagétiennes (toujours la permanence de l'objet) avec des hamsters, ce qui, accidentellement, la mène à s'intéresser à des questions d'orientation spatiale sur ce même hamster. Ce sont ces questions qui feront l'essentiel, ensuite, de sa carrière, et qui lui vaudront une notoriété certaine. Scientifique aussi passionnée que persévérante, Ariane Etienne consacrera en effet, dès la fin des années 70, toute sa carrière à ce seul thème : décrire et décrypter les mécanismes de l'orientation spatiale, en les étudiant en laboratoire sur des rongeurs, principalement les hamsters, mais également sur les rats et les chiens. Dans ce domaine où tout, pratiquement, est encore à défricher, et où les méthodes d'investigation elles-mêmes sont à inventer, Ariane Etienne et ses collaborateurs mettent en évidence peu à peu, par des expériences de plus en plus pointues, les caractéristiques d'un mécanisme d'orientation aussi simple et banal en apparence qu'il est important en réalité : ce qu'on appelle l'intégration du chemin ou intégration du trajet. Pour se représenter ce qu'est ce mécanisme, imaginez-vous entrer dans une pièce totalement obscurcie. Vous fermez la porte derrière vous, et, dès lors, vous ne voyez plus rien. Vous avancez à l'aveuglette, mais, si à un moment donné vous décidez de revenir en ligne droite à la porte, vous en êtes capable (alors même que vous ne percevez rien de la porte ou de la salle), avec une assez bonne précision d'ailleurs. Pour réaliser cet exploit, vous avez nécessairement dû faire, sur votre chemin et grâce à ce que vous percevez de vos propres mouvements, une sorte de calcul, qui vous a dit où vous étiez en continu, relativement à votre point de départ. Ce mécanisme, seule une minorité de gens lui accordent de l'importance au départ: il paraît très anecdotique. Mais peu à peu, de plus en plus de chercheurs sont amenés à lui accorder un rôle fondamental. Les travaux de l'équipe Etienne, dès lors, sont perçus comme novateurs et prennent un relief qu'on ne leur accordait pas auparavant. Vers la fin des années 90, alors qu'ailleurs des études, notamment électrophysiologiques, confirment ce rôle fondamental, les données strictement comportementales d'Ariane Etienne, qui éclairent superbement les trouvailles des neurobiologistes, font l'objet de publications dans des revues prestigieuses. Ariane Etienne et son équipe ont ainsi leur heure de gloire quand une publication dans Nature leur vaut la visite du service de presse de l'université. Ces travaux publiés dans Nature, et d'autres plus récents, montrent comment l'intégration du chemin interagit avec les mécanismes de la mémoire spatiale pour donner une cohérence, une trame spatiale unique, au monde exploré par l'animal (ou l'humain). Ces recherches sont jalonnées de promotions et d'événements marquants: En 1976, Ariane est nommée professeur extraordinaire à la Section de Psychologie. En 1981, Ariane est nommée professeur ordinaire, et en octobre 1983, le laboratoire d'éthologie déménage dans des locaux modernes au 54, route des Acacias à Genève ; ces nouveaux locaux seront inaugurés le 16 mars 1984. Et le 12 octobre 1995, Ariane Etienne épouse Alex, son compagnon depuis Cambridge.
Ariane Etienne prend sa retraite au 30 septembre 2000, et reçoit le titre de professeur honoraire de la Faculté. Ayant lutté pour obtenir une prolongation de bail pour le laboratoire, elle parvient à y faire continuer la recherche encore une année, le temps de terminer les deux thèses encore en cours; et des publications de l'équipe, fondées sur les dernières données sur l'animal, paraîtront jusqu'en 2004.
Ariane était une chercheuse passionnée: elle vivait pour la recherche. C'était au point qu'elle avait fait construire, à ses frais, dans les sous-sols de sa maison de Vandœuvres, une succursale du laboratoire, et des générations d'étudiants et d'assistants se souviennent d'être venus travailler sur l'orientation des hamsters dans cet endroit tout à fait inattendu. Une chercheuse passionnée, certes. Mais si on ne mentionnait que la carrière de chercheuse d'Ariane, on passerait entièrement à côté de la personne. Ariane était également une enseignante passionnée, avide de transmettre ce domaine qui la fascinait. Bärbel Inhelder, dans la lettre du 12 janvier 1968 où elle appuyait la candidature d'Ariane à Cambridge, soulignait déjà les qualités d'enseignante d'Ariane Etienne, qu'elle avait pu voir à l'œuvre car elle lui avait demandé de prendre en charge des heures de son cours. Outre l'éthologie classique, et les questions issues de son propre domaine de recherche, dans son enseignement Ariane Etienne a joué un rôle de pionnière en introduisant un cours d'éco-éthologie et de sociobiologie (l'étude éthologique du comportement social), tout à fait à la pointe dans le domaine de l'éthologie, alors que les idées de l'éco-éthologie peinent à s'imposer dans les milieux francophones des études biologiques du comportement, et encore plus parmi les sciences humaines.
Lieux:Suisse ; Allemagne ; Etats-Unis ; Angleterre
Fonctions et activités:ACTIVITE UNIVERSITAIRE
1960-1961 assistante au département de Neurophysiologie, University of Michigan (Ann Arbor)
1961-1964 boursière au Max Planck Institut für Verhaltensphysiologie, Seewisen
1965 chargée de recherche au Laboratoire de psychologie expérimentale, Genève
1966 chargée de cours en éthologie, Genève
1968-69 et 1970-72 boursière du FNRS et du SRC à la Faculté de Zoologie, Université de Cambridge
1972 professeur assistante à la FPSE
1976 professeur extraordinaire à la FPSE
1982 professeur ordinaire à la FPSE

ACTIVITE ASSOCIATIVE
membre de l’Association for the study of Animal Behaviour
membre de la European Brain and Behaviour Society
membre de la Société Suisse de Psychologie
membre du Conseil de la Ethologische Gesellschaft
membre de l’Association de la psychologie scientifique de langue française

ACTIVITE EDITORIALE
Editeur de “Behaviour” (international journal of comprative and experimental ethology)

PRINCIPAUX DOMAINES D'ENSEIGNEMENT, DE RECHERCHE ET DE PUBLICATIONS
éthologie
étude comparative des capacités cognitives chez l’animal
processus ontogénétiques
orientation spatiale
Contexte général:Le laboratoire d'éthologie en bref

Au début des années 70, Jean Piaget, qui jouait un rôle prépondérant dans l'Ecole (dès 1975, la Faculté) de Psychologie et des Sciences de l'Education de l'Université de Genève, avait demandé, et obtenu, la création d'une chaire d'éthologie. Cette chaire a été occupée par Ariane Etienne jusqu'à sa retraite en 2000.

Le premier laboratoire d'Ariane Etienne a vu le jour au début des années 70 également. Il occupait le sous-sol et le premier étage de l'aile sud du Palais Wilson, qui abritait alors la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education. Celle-ci a déménagé du Palais Wilson à Uni Dufour (appelée à l'époque Uni II) en 1975, mais le laboratoire d'éthologie est resté au Palais Wilson pendant quelques années encore.

Dans ces locaux, les premières études d'A. Etienne étaient d'inspiration piagétienne et portaient sur la permanence de l'objet chez l'animal. Vers la fin des années 70, des observations fortuites sur le comportement spatial du hamster doré ont amené A. Etienne et son équipe (dont j'ai fait partie, comme étudiant d'abord en 1979, puis comme assistant puis doctorant dès 1981) à étudier en détail les mécanismes d'orientation spatiale chez l'animal, avec pour animal d'étude, justement, le hamster doré.

Ces observations fortuites avaient montré que le hamster peut revenir à l'emplacement de son nid dans la cage même si ce nid a été ôté de la cage, et même si la sciure du fond de la cage a été brassée. C'est donc que l'animal utilise une mémoire de la position de son nid pour y revenir. Plus étonnant, cela marchait aussi lorsque l'expérience avait lieu dans le noir: le hamster revenait de même à l'endroit où le nid avait été. Comment faisait-il?

Nous avons été progressivement amenés à comprendre que l'animal réalise un calcul interne: sur la base des informations sur son propre mouvement, l'animal calcule en continu sa position relativement à son point de départ, ce qui lui permet, au besoin, de revenir en ligne droite à celui-ci même si l'aller était sinueux. Ce calcul interne, appelé "intégration du chemin", peut se concevoir comme une intégration au sens mathématique, ou, pour le dire plus simplement, comme une addition vectorielle en continu. A chaque pas, le vecteur correspondant au pas (direction et longueur du pas) est additionné à la somme obtenue jusque-là. La résultante de cette somme est un nouveau vecteur joignant le point de départ (le nid) à la position actuelle de l'animal. Quand l'animal décide de rentrer au nid, il n'a qu'à prendre la direction de ce vecteur, l'inverser de 180°, et suivre cette direction. L'avantage d'un tel processus de calcul interne, c'est qu'il fonctionne même dans un environnement nouveau et inconnu, et également dans l'obscurité!

Après le déménagement du laboratoire dans un bâtiment plus moderne du quartier des Acacias au milieu des années 80, la recherche s'est de plus en plus centrée sur ce mécanisme dit "d'intégration du chemin" et son interaction avec l'utilisation de repères visuels. D'autres espèces ont fait l'objet d'expériences à ce sujet: le chien et le rat.

Suite à la retraite d'Ariane Etienne en 2000, la Faculté a décidé de ne pas reconduire la chaire d'éthologie, et le laboratoire a fermé ses portes en septembre 2001.
Contrôle
Code d’identification de la notice d’autorité:CH UNIGE/ISAAR/308
Code(s) d’identification du ou des services:CH-000175-4
Règles ou conventions:ISAAR (CPF) - Norme internationale sur les notices d'autorité utilisées pour les archives relatives aux collectivités, aux personnes ou aux familles, deuxième édition, 2004
Niveau d’élaboration:Notice publiée
Niveau de détail:Notice complète
Langue(s) et écriture(s):Français
Sources:http://ethologie.unige.ch/accueil.htm
Recueil des professeurs 1990
Ressources
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